Mayda Blumenfarm

Texte : Laura François et Camille Sultra
Photographies : Laura François


Ce fut un petit événement dans la capitale berlinoise. Au printemps 2021, Mayda, une toute nouvelle ferme florale écologique voit le jour. Répartie sur 1200m2 de terrain, la ferme est accessible en tram depuis le centre de la ville, une première. C’est dans l’esprit du slowfarming qu’Imke et Reuben, les deux fondateurs du projet ont décidé de créer ce lieu paisible et inspirant.

Tout a commencé quelques années plus tôt, en 2018, à la suite d’un voyage en Amérique. De visite chez les parents de Reuben installés dans le Midwest aux États-Unis, le couple découvre la ferme florale Amish et se retrouve immédiatement séduit. L’idée d’implanter une ferme florale écologique à Berlin s’ancre dans leur esprit. Mayda allait bientôt éclore.

C’était comme une révélation, nous avons immédiatement su que nous voulions créer ce projet à Berlin

De retour en Europe, c’est avec 5 lits de palettes, quelques pots et diverses boîtes qu’ils commencent à cultiver leurs premières fleurs sur leur balcon. Malgré leur petite surface, ils optent dès le départ pour un système d’irrigation goutte à goutte, une méthode agricole permettant d’économiser engrais, eau et énergie. Progressivement, les fleurs sortent de terre et le fruit de leur travail se retrouve sur le marché, une fois par mois. Face à un enthousiasme certain de leurs premiers clients, Imke et Reuben expérimentent et cherchent à optimiser au mieux leur espace pour assurer une récolte suffisante. La contrainte du lieu les incite tous deux à envisager de cultiver rapidement sur une plus grande surface.

Nous avons cultivé toutes les plantes annuelles imaginables. Pendant l’été, c’était toujours un défi de se faufiler dans la jungle de fleurs.

A la recherche d’un terrain

Après de longues recherches, Imke et Reuben finissent par trouver leur premier terrain auprès de l’association des cimetières protestants de Berlin qui reçoit leur projet avec enthousiasme. Leur balcon de quelques mètres carrés laisse la place à un terrain cultivable de 1200 mètres carrés, dans une zone qui n’avait encore jamais été exploitée par l’association. Si cet emplacement est une incroyable opportunité pour changer d’échelle et ancrer leur modèle, le couple devra tout de même se confronter à un défi de taille : le très faible niveau d’ensoleillement causé par la proximité immédiate de nombreux arbres couvrant la surface du cimetière. “Nous avons encadré notre zone de culture avec une clôture en piquets et avons beaucoup réfléchi à la disposition des planches. D’une part, nous voulions créer autant d’espace de couchage de culture que possible, et d’autre part, il était important pour nous de toujours garder l’esthétique à l’esprit afin de respecter le cimetière.”

La méthode no-dig

A leur arrivée, le terrain en friche abrite un champ d’herbes folles reposant sur des pierres. Pourtant, Imke et Reuben font le choix de ne pas labourer ni creuser la terre. Des plaques de carton et du compost sont acheminés sur le terrain et des clôtures sont installées tout autour. Il leur faudra plusieurs mois pour réaliser l’aménagement paysager et être prêt à planter les premières graines. “Il faut beaucoup de planification, et nous allons nous améliorer chaque année en mettant plus de choses dans la terre. Au lieu de retourner le sol chaque année et de recommencer, nous essayons autant que possible d’avoir quelque chose qui fonctionne tout au long de l’année, comme un cycle”

Leur méthode, No-Dig (pas de creusement) ou No-Till (pas de labour), consiste à laisser le sol intact autant que possible, l’objectif étant de chercher à l’améliorer régulièrement au lieu de l’épuiser. Un réseau incroyablement actif de micro-organismes se trouve sous la surface du sol : champignons, bactéries, vers, etc. Labourer ou creuser une terre bouleverse voire détruit cet écosystème. La motivation de la culture sans labour est par conséquent de chercher à s’harmoniser avec la complexité et la diversité des éléments vivants des sols et d’en respecter le cycle.

Imke et Reuben n’utilisent également aucun engrais chimique et s’appuient sur des méthodes de l’agriculture naturelle coréenne et du JADAM en produisant eux-même des fortifiants végétaux à partir de produits naturels.

Nous n’avons qu’une petite ferme mais ce que nous mettons en place peut s’essaimer ailleurs, à une échelle beaucoup plus grande. En termes de coûts et d’impact environnemental, c’est très bénéfique. Nous essayons d’être en harmonie avec notre environnement et tenons éloigné tout intrant chimique pour que nos enfants puissent être avec nous dans la ferme.”

Au moment de la plantation, les pousses sont déposées à même le sol, puis recouvertes de compost, puis de feuilles mortes ou de copeaux de bois. La culture de couverture, est quant à elle utilisée lorsque le lit est vide, pour remplir la terre entre deux plantations de fleurs. Elle permet de maintenir actifs les micro-organismes du sol, de mobiliser les éléments fertilisants, de favoriser l’infiltration de l’eau au printemps et d’ameublir le sol. Une fois coupée et laissée à même le sol, de la biomasse se produit, qui devient un nutriment pour le sol.

Chaque plante peut avoir un ou plusieurs rôles différents. Certaines extraient l’azote de l’air ou du sol, d’autres suppriment les mauvaises herbes, certaines sont tout simplement du nectar pour les abeilles.

La mise en bouquet

Imke réalise des bouquets pour des commandes spéciales, comme des mariages ou des anniversaires, ainsi que pour quelques magasins de la ville. Une formule d’abonnement saisonnier est également proposée aux particuliers. Les fleurs sont coupées et livrées deux fois par semaine, et le type de bouquet change en fonction du mois de l’année. Il est également possible de venir directement à la ferme sur rendez-vous pour réaliser son propre bouquet. Le modèle d’abonnement est très important pour la ferme et son activité : il assure une plus grande stabilité, crée une communauté et permet à Imke et Reuben de préparer exactement ce qui est demandé, ce qui est plus durable et écologique.

“C’est toujours intéressant de voir ce que les gens coupent. Ils choisissent parfois une fleur que je ne pourrai pas utiliser pour un bouquet dans un magasin, parce que sa tige est trop courte ou pas assez droite. Eux la coupent pour leur propre bouquet et trouvent de la beauté dans ces tiges plus sinueuses ou tordues. Je m’accroche toujours à des fleurs qui ne sont pas parfaites pour l’industrie de la fleur coupée, mais qui en revanche le sont pour des personnes qui recherchent un certain type de beauté. Quelque chose de plus authentique peut-être.”

J’aime que quelqu’un apporte sa propre contribution à la ferme, qui est ainsi remplie et mise en valeur par les connaissances de différentes personnes.
— Imke

Des idées pour le futur

Imke et Reuben souhaitent aller plus loin dans le projet floral et espèrent y apporter de nouvelles activités. La serre pourrait être utilisée à l’avenir comme lieu d’ateliers pour apprendre à réaliser des roseaux tissés ou encore faire sa propre teinture végétale. Imke imagine également travailler à l’avenir avec des associations ou des jardins d’enfants pour les sensibiliser à l’importance des saisons, la biodiversité, la culture de la terre à l’occasion de temps d’observation dans la ferme.

Comme le cycle des saisons, la ferme Mayda évoluera dans le temps, rythmée par les efforts et l’engagement d’Imke, de Reuben et de la communauté créée autour d’elle.


découvrir la ferme florale Mayda

maydablumenfarm.de
@maydablumenfarm

adresse

Dietzgenstr. 158
13158 Berlin

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