La permaculture : une philosophie de vie

Texte : Camille Sultra & Elodie Villalon
Illustrations : Manon Catheland


 
 

Si l’on pense souvent que la permaculture est un récent effet de mode, cette pratique conceptualisée au début des années 70 repose sur des principes vieux de plusieurs millénaires. 

La permaculture est une méthode de conception consciente de paysages qui miment les modèles et les relations observés dans la nature. Plus communément, cette méthode de conception est connue pour créer des modes de culture productifs et durables en s’inspirant des écosystèmes naturels. La permaculture ne s'arrête pas au travail de la terre, elle a une dimension bien plus globale. C’est également une philosophie de vie qui repose sur une profonde réflexion pour la mise en place d’une société durable.

La permaculture : une approche holistique

La permaculture est une philosophie de vie qui repose sur une réflexion globale qui prône la mise en place d’une société durable

Avec sa vision holistique, l’approche permacole peut constituer un socle transverse transférable à de nombreux domaines et pans de nos vies quotidiennes, comme l’illustre le schéma ci-contre. Gouvernance, santé, enseignements, etc. deviennent dès lors autant de sujets propices à l’application d’idées et d’une pensée intimement liée à la permaculture.

Les principes de la permaculture appliqués au travail de la terre

La permaculture propose donc une méthode de conception et d’aménagement d’écosystèmes diversifiés et équilibrés répondant aux besoins humains. Cette interrelation des systèmes naturels est ainsi mise en forme dans ce que l’on appelle un design ou encore un dess(e)in. 

Cette étape de conception s’obtient après une phase d’observation de l’écosystème à cultiver, une analyse des limites du projet et un inventaire de toutes les ressources disponibles. En pratique, l’observation sur une année (analyses de sols, expositions solaires, zones d’humidité, etc.) permet de comprendre l’effet des saisons sur le terrain. Quant aux ressources disponibles, il est intéressant de se renseigner sur les compétences existantes dans le voisinage, les réseaux déjà structurés, les acteurs dynamiques afin de s’entourer au mieux lors de la création du projet. 

Au delà d’une application de ces concepts à la terre, il est possible d’être permaculteur simplement dans sa façon de consommer, en adoptant quelques réflexes très simples et en faisant preuve de bon sens

Ces étapes consacrées à la compréhension, faisabilité du projet et à la connaissance de son environnement, permettront d’établir un design réaliste de l’écosystème.

Ce dessin, qui illustre la conception physique du projet (placement des éléments de la ferme sur le terrain) s’accompagne aussi de la conception humaine comme la commercialisation, les liens avec les consommateurs ou les visiteurs de la ferme. 

Il est important de considérer un jardin en permaculture comme un ensemble, composé de parties, communément appelées « zonages » par les permaculteurs. La maison d’habitation en constitue généralement le centre, à partir duquel s’élargissent les diverses zones plus ou moins concentriques. À proximité de la maison, s’installent les cultures les plus indispensables à l’alimentation et celles qui nécessitent une présence minutieuse, pour l’arrosage en particulier. Plus l’on s’éloigne de ce centre, plus la végétation pourra évoluer de façon autonome. Ainsi, les aromatiques sont installés au plus près de la maison, suivra en plus excentré le potager et animaux et enfin, le verger, comme l’illustre le schéma ci-après :

Illustration des zonages d’un jardin permacole.

Une fois ce design élaboré, le permaculteur peut tracer son projet, le dessiner pour lui donner vie. Il s’agit ici de faire avec l’existant, non pas sans ou contre la nature mais bien avec elle. 

Cette approche systémique rend ainsi possible la mise en place de cultures permanentes et stables dans le temps. Une façon de s’apercevoir qu’en adoptant des techniques rationnelles en adéquation avec les cycles de la nature, celle-ci peuvent démontrer toute leur force et résilience. 

Au delà d’une application de ces concepts à la terre, il est d’ailleurs possible d’être permaculteur simplement dans sa façon de consommer, en adoptant quelques réflexes très simples et en faisant preuve de bon sens : privilégier le local lorsque cela est possible, limiter l’achat et l’utilisation d’emballages à usage unique et surtout prendre conscience qu’il nous appartient de nous adapter aux cycles de la nature, et non l’inverse.  

Faire de la permaculture une philosophie de vie : l’exemple de l’écolieu “La Pâture es Chênes

Avec sa vision holistique, la permaculture s’applique à tous les domaines de la vie et pas exclusivement au travail de la terre ; elle est avant tout une philosophie qu’il est possible d’inclure à son quotidien. Pour illustrer cette façon d’être et de vivre, Relief est allé à la rencontre de “La Pâture es Chênes”, écolieu fondé par Sylvaine Alnot et Grégory Roche et entièrement pensé et conçu selon des principes permacoles. Rencontre avec ce couple inspirant, installé à Hénon dans les Côtes d’Armor. 

Vers le chemin de la résilience 

Après des carrières respectives dans les secteurs de l'informatique et de la biologie, c’est en 2010 que Sylvaine et Grégory décident d’entamer une transition personnelle et professionnelle. Désireux de faire évoluer leurs modes de vie, ils se forment pendant plusieurs mois à la permaculture en parcourant le Portugal à bord de leur camion aménagé. Forts de cette expérience enrichissante, ils décident d’investir la terre familiale de Grégory, en Bretagne, et de s’y installer, avec un nouveau projet de vie. 

Commencent dès lors plusieurs années de réflexions, découvertes et apprentissages autour des nombreux principes de la permaculture. Comme l’explique le couple, la principale difficulté fut de (re)penser et mettre en place un nouveau schéma de vie global pouvant s’appliquer à tous les différents domaines, soit l’habitat, l’éducation, l’alimentation, le bien être etc. 

80% de ce qu’on entend sur la permaculture concerne le jardinage ou l’agriculture alors que cette méthodologie de conception de système peut s’appliquer à n’importe quel domaine de notre société.

S’adapter aux cycles de la nature

Bon sens, adaptation et compréhension de l’écosystème en place leur permettront de bâtir année après année un écolieu diversifié et éthique. Verger-potager, jardin-forêt, micro-habitat écologique, bioclimatique et autonome, le couple s’est attelé, avec leurs enfants, à développer progressivement un écosystème intelligent construit à partir d’une observation bienveillante d’un monde vivant aux ressources multiples. Le soleil, la pluie, le vent, la végétation deviennent dès lors de précieux atouts à qui sait en faire de véritables alliés. La démarche permacole, nécessairement inscrite dans le temps, implique patience, compréhension et résilience. 

Grégory & Sylvaine dans leur jardin permacole

À leur arrivée sur les lieux, Grégory et Sylvaine font le constat d’une nécessaire réhabilitation de leur terre et enclenchent un processus de régénération des sols, qui durera une année. Lorsque nous nous interrogeons sur la raison, le couple nous explique que l’organisation de l’espace, jusqu’alors non optimisée, rendait le sol peu fertile et difficilement cultivable. Profitant de cette année de mise au repos, ils élaborent le meilleur aménagement et définissent les techniques les plus adaptées. Force est de constater qu’en quelques années seulement, le couple parvient à créer un écosystème vertueux et nourricier. 

Lorsque nous abordons la construction de l’habitat, nous constatons qu’une même réflexion globale a été menée par le couple de façon à définir au mieux les besoins, la taille optimale des pièces, leur disposition et utilité mais aussi leur lien avec l’extérieur. Le type de construction et son rapport au sol ont également eu leur importance dans la conception globale du lieu ; une habitation sur pilotis permet par exemple de réduire la quantité de béton au sol et donc de le préserver. 

Micro-habitat au sein de la Pâture es Chênes

Micro-habitat au sein de la Pâture es Chênes

Conscients que la nature offre tout ce dont ils ont besoin pour isoler, décorer, se protéger, etc. le couple nous explique que l’isolation du logement a été faite à partir de fibre de bois et chanvre, les peintures sont de nature végétale, les matelas fournis en laine bretonne provenant d’une ferme locale. Leur énergie est générée par leurs propres panneaux photovoltaïques et leur source de chaleur provient de leur propre poêle à bois. 

Ainsi, comme le couple l’explique très clairement, la création de l'écolieu est passée par plusieurs étapes au travers de la démarche permaculturelle qui consiste à créer un éco-système diversifié où s'entremêlent et inter-agissent humains, bâtiments et végétaux.

Parents de trois enfants, Grégory et Sylvaine ont abordé la question de l’éducation en s’inspirant des principes permacoles. La priorité est laissée à l’éveil et la découverte en famille, au partage quotidien des tâches qui incombent à chacune et chacun, à hauteur de ce qu’il peut apporter.  L’enseignement à la maison est assuré par Grégory et Sylvaine qui apprennent à leurs enfants les matières classiques mais aussi celles que l’on retrouve rarement sur les bancs de l’école : la sensibilité à la beauté de la nature, l’écoute de ses émotions et la compréhension du monde qui nous entoure. Il s’agit ici d’un apprentissage “en faisant” orienté autour de créativité propre à chacun des enfants. 

Pour ce qui est de la santé, ils se sont naturellement tournés vers les plantes et la médecine holistique (aromathérapie, phytothérapie, homéopathie, naturopathie).

Cultiver l’art de transmettre et partager 

Si la permaculture est souvent associée à une recherche d’autosuffisance totale, Grégory et Sylvaine, nous expliquent que ce schéma va à l’encontre d’une approche permacole qui incite au contraire, à l’échange et aux collaborations multiples. 

Depuis notre arrivée sur le territoire en 2011, nous avons toujours eu à cœur de participer à une dynamique collective locale autour des alternatives et de la transition écologique

Soucieux de partager et transmettre leur expérience et savoirs acquis au gré de ces dernières années, La Pâture es Chênes propose d’accompagner et former aux principes de la permaculture à travers l’organisation de stages, formations et missions de conseil que le couple assure tout au long de l’année. La mutualisation des compétences et connaissances semble être la voie logique vers l’essaimage de modèles permacoles construits autour de valeurs éthiques et engagées. 

L’illustration inspirante d’une famille en transition, qui cultive l’art d’être et de vivre en cohérence avec le monde qui nous entoure. 


Pour aller plus loin 

Lectures & inspirations