Printemps sauvage : portrait d'une apicultrice engagé

© Elodie Villalon

De par l’intense pollinisation qu’elles opèrent, les abeilles contribuent à
la reproduction de 80% des plantes à fleur. Elles sont des alliées indispensables au maintien de l'équilibre des écosystèmes et de notre agriculture. Or, on estime que près de 30 % des colonies d'abeilles disparaissent chaque année en France.

Relief est parti à la rencontre de Charlotte, apicultrice passionnée et créatrice de Printemps Sauvage, marque française de miel et d'artisanat apicole basée en Bourgogne.

Charlotte nous dévoile son parcours, sa reconversion et son amour pour les abeilles dont elle prend soin à travers une apiculture respectueuse et engagée.

Portrait d’une femme courageuse et déterminée, qui propose des produits délicieux et éthiques, résultats d’un savoir-faire de récolte et d’extraction du miel inédit.


Quel est ton parcours ?

J’ai longtemps exploré plusieurs domaines artistiques tels que la musique, la photographie, le théâtre, la décoration, le stylisme, la peinture et les arts plastiques…

Mon lien avec la nature est fort et a toujours été présent. Je m’en suis éloignée pour mieux la retrouver, la nature, et ma vraie nature ! La rencontre avec les abeilles s’est faite à un moment dans ma vie où je cherchais à me reconvertir professionnellement après avoir mis un terme à ma carrière de musicienne.



Comment s’est passée ta reconversion ?


En 2018, après avoir arrêté la musique, il m’a fallu repartir de zéro : poser sur une feuille mes désirs, mes besoins, mes intérêts pour certaines activités. J’hésitais entre la céramique, la décoration d'intérieur, la restauration d'œuvre d’art… Mais je n’avais jamais songé à devenir apicultrice !!

À 29 ans, ce sont les abeilles et la nature qui sont venues à moi. Ayant reçu en cadeau ma première ruche et mon premier essaim, j’ai eu la chance d’être accompagnée pendant un par Patrick, mon parrain apiculteur, qui m’a transmis son savoir-faire, ses connaissances, avec humilité et simplicité.

Cette immersion au rythme des saisons, de la vie apicole, fut un réel changement. Passionnée dans l’âme, j’ai tout de suite été séduite par la poésie de l’apiculture. J’ai commencé à me renseigner et explorer des pistes de professionnalisation. De part mon passé artistique, je n’ai pas eu accès à une formation professionnalisante, j’ai dû donc apprendre par moi même, via les livres, internet… et grâce à l’accompagnement de mon parrain.



Comment apprendre l’apiculture ? Par où commencer ?

Pour faire de l'apiculture, en amateur ou en pro, il faut se former.
Apprendre les bases, les cycles de la colonie, son mode de vie, ses besoins, et toute la théorie de base.

En France, l’apiculture est principalement axée sur la production de miel. Pourtant il existe de nombreuses manières d’appréhender le travail avec les abeilles comme la pollinisation, l’élevage d’essaims, l’apiculture urbaine, la production de différents produits de la ruche, la recherche scientifique, la gestion sanitaire…

Si l’on veut se lancer dans l’apiculture, le mieux est de se faire accompagner dans cette aventure. La transmission fait partie de l’apiculture ! Rapprochez-vous d’un rucher école, d’un-e apiculteur/trice… prenez le temps de connaître les abeilles ! Mais aussi les fleurs !



Il faut aussi apprendre les bons gestes, les bonnes pratiques, et seul le temps fait son œuvre. À chaque fois que l’on ouvre une ruche, il faut s’adapter à la situation.

Quand as-tu créé Printemps Sauvage ? Peux-tu nous présenter ton entreprise et son activité ? 

Printemps Sauvage est né avec mon premier essaim, mes premiers 18 kg de miel : en 2018.

Au printemps suivant, j’ai lancé un financement participatif pour m’aider à l’installation d’un premier rucher, au lancement de ma marque de miel et ma première gamme d’artisanat apicole. Le début de l’aventure !

Printemps Sauvage est une maison de miel de dégustation, avec un savoir-faire de récolte et d’extraction du miel inédit. Chaque hausse sera extraite, indépendamment les unes des autres afin de préserver le travail extraordinaire des abeilles durant chaque miellée. Chaque miel est unique par son goût, sa couleur, sa senteur et sa composition de nectars. 

Je confectionne aussi de l’artisanat apicole, avec comme matière première la cire d’abeille, et issues de mon exploitation. Le tout dans une démarche éco-responsable, zéro déchet, insufflant le bien-être des abeilles et le respect de la nature via une pratique éthique.


Quels ont été les principaux freins et leviers à la création de ton entreprise ?

J’ai mis plus d’un an à me décider concernant la forme juridique idéale pour mon entreprise. Actuellement je suis cheffe d’exploitation en micro bénéfice agricole (un régime simplifié pour les petites structures agricoles).

Comme à mon habitude, je ne fais rien dans la norme… Ce qui est assez contraignant ! A la veille de ma 4ème saison, je n’ai toujours pas trouvé de structures (CCI, chambre d’agriculture) pouvant m’accompagner dans mon aventure entrepreneuriale et agricole. Le système agricole actuel, soutient majoritairement les sociétés agricoles suffisamment grandes et rentables en rendement, ne laissant pas la place pour les petits paysans.

Partant de ce constat, je suis donc allée chercher les ressources ailleurs !
En 2019, Printemps Sauvage est lancé grâce à un financement participatif. Ce fut un choix de créer une marque native Instagram, ce qui a nécessité de perfectionner mes compétences en marketing digital sur les réseaux sociaux. L’apiculture a une image vieillotte, bien qu’elle se réinvente petit à petit, j’ai eu envie de donner un nouveau souffle à ce merveilleux métier en passant par d’autres canaux de communication.

J’ai eu la chance d’avoir été soutenu par des amis apiculteurs urbains, et d’habiter à Paris, me permettant de présenter mes produits dans des événements comme à la Recyclerie, au Ground Control...

Puis j’ai perdu tout mon cheptel à la sortie de l’hiver 2019-2020, et le covid est arrivé. Enorme coup dur… Il a fallu tout recommencer à zéro. J’ai tenu bon. Le contexte sanitaire a donné raison à la voie que j’avais déjà entamé : le développement de mon activité sur internet et la création d’une boutique en ligne.

 
 

© Elodie Villalon

© Elodie Villalon

 

© Elodie Villalon

 

À la fin de la saison 2020, j’ai revu tout le branding, le packaging pour proposer des produits à la hauteur de mes objectifs. Franc succès à son ouverture d’ailleurs, grâce à ma communauté Instagram !! Tout mon travail de communication fut récompensé, et toute cette pluie d’encouragements et de retours positifs m’ont beaucoup soutenu. Parallèlement à tout cela, je me suis formée au marketing digital, à la botanique, à la valorisation des déchets, à l’apithérapie, à l’entreprenariat. Mon rythme de formation est continu, je ne cesse d’apprendre !

Quelles sont les valeurs que tu souhaites défendre à travers ton activité ?

Avant tout, le respect et la préservation de la nature.

De cela en découle le besoin d’entreprendre de façon responsable, durable, en proposant des produits sains, faits avec respect, et pensés avec conscience pour une consommation raisonnée. Tous mes produits sont issus de matières recyclables et/ou recyclées, naturelles et biologiques, avec une attention particulière au bien-être des abeilles et de la biodiversité.

Chaque étape est faite avec conscience de son impact environnemental mais aussi humain.

© Elodie Villalon

L’ADN de Printemps Sauvage est un savoir-faire de récolte et d’extraction de miel, souhaitant répondre aux problématiques de traçabilité, de miels frelatés, de perte de qualité du produit à travers certaines pratiques, et aussi redonner sens et valeur au métier d’apiculteur.


Parle nous de la relation d’un apiculteur avec ses abeilles. Comment qualifierais-tu la tienne ? 


Les abeilles parlent le langage des fleurs, et sont des êtres sociaux. La relation entre un apiculteur et ces abeilles est souvent affectueuse.

Pour ma part, les abeilles ont joué un rôle très important à une période de ma vie où j’avais besoin d’elles sans le savoir. Je me suis reconnectée à la nature, mais à moi-même aussi. Je suis très, trop attachée à mes abeilles. Lorsqu’il y a des mortalités, j’ai beaucoup de mal à m’en remettre, c’est d’ailleurs l’enjeu le plus difficile à affronter.

Ce sont des êtres fascinants, qui ont tant à nous apprendre autant sur notre système sociétale que l’alchimie végétale et animale...


Peux-tu nous parler plus en détail dE TON miel et de sa fabrication ?


Le miel de dégustation Printemps Sauvage est issu du savoir-faire que j’ai mis en place dès le départ. Grande amatrice de miel avant toute chose, je me suis aperçue que les saveurs des miels différaient d’une hausse à une autre (compartiment en bois posé sur la ruche, destiné à la production de miel). De la récolte à l’extraction, une logistique rigoureuse permet de définir la traçabilité du miel. Sur la capsule du pot, le numéro de lot indique au consommateur de quelle ruche et quelle hausse provient le miel.


Le miel se récolte majoritairement sur deux saisons : le printemps et l’été. Les miels récoltés, qu’ils soient monofloraux ou polyfloraux, ont été butinés dans une temporalité définie par l’abeille et l’apiculteur, entre la pause et le retrait des hausses. Les floraisons sont souvent courtes, parfois de quelques jours, d’autres espèces fleurissent sur plusieurs mois. Il y a donc cet élément à prendre en compte aussi dans mon travail d’apicultrice.

Savoir-faire, temporalité, saisonnalité, floraisons… une maîtrise de chaque instant, une connaissance de la flore et de la nature, au-delà du produit alimentaire !

Quelle est ta situation aujourd’hui ? Partenariats, projets à venir, installation, etc. 

En avril 2021, la saison commence !! La visite de printemps est prometteuse d’une belle saison, si la météo et la flore sont au rendez-vous. Certaines colonies sont mortes cette hiver, mais d’autres naitront bientôt.

Parmi les collaborations qui se dessinent, j’ai le plaisir de fournir la marque d’aquarelle artisanale et française La Nouvelle Vague Couleur, car le miel fait partie intégrante de la composition d’une aquarelle artisanale !

D’ailleurs, un nouveau petit rucher va être installé en partenariat avec Natura 2000, dans l’optique de favoriser la pollinisation de certaines espèces locales.

Dans mes produits, je propose les Billes Flora qui sont des boites de 6 seedbombs contenant un mélange de graines d’espèces de fleurs mellifères. Leur composition aujourd'hui évolue grâce aux graines de fleurs sauvages du Morvan de Virginie, cueilleuse et semencière de la marque Silènes.

Pour cette saison qui commence, j’espère pouvoir à nouveau satisfaire vos papilles et obtenir le label bio !








Quelles sont les perspectives d’évolution de Printemps Sauvage dans les années à venir ?


Dans la conjoncture actuelle, les temps sont incertains, les doutes persistent, l'équilibre est difficile à maintenir. Je le dis en toute franchise, car je souhaite rester transparente sur mon travail et qui je suis. Les idées me parviennent sans arrêt, le tout est de pouvoir les mettre en place ! J’ai toujours le souhait de développer une gamme cosmétique issue des produits de la ruche, mais pour cela, il faut s’agrandir, aussi bien matériellement qu’humainement ! Pourquoi ne pas faire entrer de nouvelles personnes dans l’aventure pour un printemps toujours sauvage !

 
 

Interview réalisée par Elodie Villalon, photo-reporter pour Relief Mag


 

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