Sorcières : la puissance invaincue des femmes


Aux sorcières incombent un hier tragique peu relaté, celui de la chasse et l’exécution de dizaines de milliers de femmes en Europe, du XVIe jusqu’au XVIIIe siècle. Un épisode historique développé par Mona Chollet en introduction de son ouvrage, comme porte d’entrée vers un féminisme plus contemporain. Pour l’auteure, la persécution de ces figures autonomes, des guérisseuses parfois, des affranchies outre mesure, demeure le symbole d’une répression perpétuée contre celles en marge de l’étroite vision patriarcale de la femme. Mona Chollet s’interesse ainsi, au cœur de son livre, à trois nuances de sorcières « modernes » : la femme indépendante, celle sans enfant et celle plus âgée. 

L’auteure ne cherche pas l’objectivité, mais à comprendre pourquoi ces figures « dérangent » injustement et à en proposer des représentations alternatives. En cela, Sorcières est un ouvrage profondément militant. Mona Chollet s’appuie sur de nombreuses auteures féministes européennes et nord-américaines, des arguments factuels d’ordre historique, juridique ou médiatique mais aussi des ressentis plus personnels. Dans ces clés de lecture multiples se devine la journaliste derrière l’auteure, pour qui le féminisme compose un sujet de prédilection. Une plume de la démonstration, qui dans son dénuement de lyrisme n’en est que plus percutante, impétueuse même si l’on s’attache uniquement à son fondement

A vrai dire, c’est précisément parce que les chasses aux socières nous parlent de notre monde que nous avons d’excellentes raisons de ne pas les regarder en face. S’y risquer, c’est se confronter au visage le plus désespérant de l’humanité.
— extrait

Oui, il est vraiment possible d’être célibataire et entière. De choisir la stérilité pour s’offrir une orgie de liberté et s’accomplir autrement. De regretter d’avoir enfanté. D’être ménopausée et d’avoir une libido… Ces prises de position incisives, entre autres vivement développées, rassurent ou dérangent mais ont le pouvoir de faire réagir, d’interroger, d’ouvrir le débat et surtout des chemins buissonniers. L’écoféminisme par exemple, évoqué en conclusion par l’auteure, s’y dresse comme une réponse convergente à un assujettissement des femmes que l’auteure assure calqué sur celui imposé à la nature depuis Descartes.  


Difficile ainsi d’être femme - même s’il est vivement conseillé aux hommes de le lire aussi - et de rester indifférente à cet ouvrage, tant il bouscule les images et les discours accumulés à tord comme des vérités immuables. Difficile de digérer l’ampleur de cette violence insidieuse et d’accepter l’idée que nous-mêmes femmes avons pu entretenir ce statut quo dominateur. Ce livre force la singularité de chacune trop longtemps tue à s’exprimer, et c’est peut-être là tout le dessein de Mona Chollet. 


 

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