La fille du père - Laure Gouraige

“On ne connaît jamais vraiment les gens”, c’est ce que j’ai pensé en refermant  le premier roman bouleversant de mon amie Laure Gouraige. Je ne savais pas qu’elle avait grandi sous l’emprise d’un père tyrannique, ni qu’elle devait tant lutter pour être elle même. 

Puis je me suis rappelée  ce que Proust écrivait dans son essai “contre Sainte-Beuve”: “ qu’un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société , dans nos vices”. 

En effet, le moi - écrivain de Laure Gouraige est flamboyant, libérateur, saisissant et c’est en laissant s’exprimer ce moi  qu’elle peut sublimer la relation écrasante qu’elle  avait/a  avec son père. 

Ce livre poignant  qui vient de paraître aux éditions P.O.L est un récit autobiographique dans lequel Laure Gouraige nous dévoile sa relation avec son père  et le cheminement vers son affranchissement. La fille s’adresse directement au père - le père intellectuel, celui qui sait ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, le père qui dit vouloir le mieux pour sa fille qui la pousse toujours plus loin - et tente de lui faire entendre sa voix, elle le supplie quelquefois, elle l’implore de l’écouter, puis, n’ayant plus le choix pour exister , le jour de son  anniversaire de trente ans elle décide de commettre son premier acte d’adulte sans lui demander conseil : elle envoie des exemplaires de son premier roman à des maisons d ‘édition.

A partir de ce moment là commence sa nouvelle vie, une vie d’écrivaine.  La fille du père est le récit de ce détachement difficile et de l’affirmation  de soi.

C’est une histoire universelle et très personnelle que l’auteure nous livre. Ici, c’est l’écriture qui sauve, qui élève et c’est par le biais d’une pratique artistique qu’elle transforme son expérience douloureuse en un livre sublime. Ainsi comme le disait Victor Hugo : “ L’art a ,comme la flamme, une puissance de sublimation. Jetez dans l’art , comme dans la flamme, les poisons , les ordures , les rouilles (...) vous aurez des spectres splendides, et le laid deviendra le grand , et le mal deviendra le beau”. 

C’est cette magie que Laure Gouraige a réussi à opérer dans son livre La fille du père , en lice pour le Prix Médicis 2020.


Critique littéraire rédigée par Lucie Laurent, guide culturelle à la Villa Médicis

 

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